C'est l'histoire d'une formidable ascension. Né au Sénégal, Barthélémy Faye, avocat chez Cleary Gottlieb, a été l'un des artisans de la plus importante restructuration de dette de l'histoire.
Barthélémy Faye. - dr
Rien
ne le prédestinait à devenir avocat d'affaires dans l'un des plus
prestigieux cabinets américains et à endosser les habits de conseiller
de la Grèce. Barthélémy Faye est né dans le village de Baback Sérères au
Sénégal. Agé de quarante-trois ans, il a conservé un physique de jeune
homme qui ne manque pas de surprendre quand on connaît son parcours. Cet
agrégé de philosophie passé par Normale sup, qui a fait une brève
carrière universitaire, a obtenu des diplômes de droit à l'université
Paris-II et à Yale aux Etats-Unis. Comme souvent chez Cleary Gottlieb,
où l'on affectionne les « purs produits maison », il a rejoint le
cabinet sans passer chez un concurrent. Associé depuis quatre ans, il a
été choisi en 2011 pour aider l'Etat grec, au bord de la faillite.
Une tâche collective
Avoir
été l'artisan de la plus vaste opération d'effacement de dette de
l'histoire ne l'empêche pas de garder la tête froide. Il insiste
d'emblée sur la dimension collective, précisant que, s'il a dirigé les
opérations du bureau depuis Paris, le dossier grec a mobilisé des
dizaines d'avocats de Cleary Gottlieb à travers le monde, sous la
houlette de deux pontes de la dette souveraine, l'Argentin Andres de la
Cruz et l'Américain Lee Buchheit. Et de rendre hommage au rôle
déterminant joué par ce dernier : « C'est lui qui, dès mai 2010,
avec un ancien collaborateur du cabinet, a suggéré une solution pour
restructurer la dette de la Grèce, passant par l'adoption d'une loi
imposant des clauses d'action collective avec effet rétroactif. » En d'autres termes, permettre à l'Etat grec d'imposer à quasiment tous ses créanciers une réduction de sa dette.
C'est
autour de ce fil rouge que Barthélémy Faye, en liaison avec les équipes
du cabinet disséminées entre l'Europe et l'Amérique, a façonné durant
des mois l'arsenal juridique qui a abouti à l'effacement de pas moins de
100 milliards d'euros de dette. Un résultat qui a supposé de revisiter
constamment l'histoire des restructurations de dette souveraine
(l'Argentine, le Mexique...) et de déceler les spécificités du cas grec.
Un véritable casse-tête. « Ce qui a été le plus compliqué dans ce
dossier, c'est que, au-delà de la Grèce, il y avait des risques pour
toute la zone euro », résume celui qui s'est forgé une expérience
en conseillant des pays émergents. Au lieu de dialoguer avec un groupe
restreint de créanciers rompus aux restructurations de dette souveraine
comme le Club de Paris, il a fallu composer avec des dirigeants
européens déterminés à éviter des effets systémiques et donc partisans
d'une solution basée sur un accord volontaire des investisseurs. « Une approche qui semblait difficile à mettre en oeuvre au regard des précédents historiques »,
confie l'avocat. La création d'un comité de créanciers, représentant
notamment les grandes banques peu favorables au principe d'une
restructuration forcée, a aussi dû être prise en compte. Autre défi
gigantesque : appréhender les multiples répercussions sur les
institutions comme le Fonds de stabilité européen (FESF), pilier du
second plan de sauvetage grec, ou la Banque centrale européenne (BCE),
sommet de complexité juridique.
Celui
qu'un de ses anciens collaborateurs décrit comme un bourreau de travail,
capable d'étudier ses dossiers jour et nuit, pourrait se féliciter
d'avoir emporté une grande victoire. Mais les aléas rencontrés depuis un
an et la situation actuelle de la Grèce le rendent prudent. Il utilise
en ce moment son savoir-faire pour dissuader certains créanciers
insatisfaits d'intenter des actions contre les Grecs. Son rêve serait de
rééditer le succès qu'il a connu lors de la restructuration de la dette
de la Côte d'Ivoire en 2010, qui n'avait donné lieu à aucune poursuite.
Expérience africaine
Car
si le destin l'a amené à conseiller le gouvernement grec, c'est en
Afrique que Barthélémy Faye a mené ses premières grandes batailles aux
côtés des Etats écrasés sous le poids de leurs dettes. Pour se
rapprocher du continent dont il est originaire, il a en effet choisi de
quitter New York après les attentats du 11 septembre 2001 pour être muté
au bureau de Cleary Gottlieb à Paris. Son attachement à l'Afrique ne
l'a pas seulement conduit à défendre la cause des Etats : il s'est aussi
taillé une solide réputation en conseillant de grands groupes comme
ArcelorMittal, Alcoa ou Alcan pour des projets au Liberia, au Sénégal et
en Guinée.
Pourrait-il un jour compléter son expérience en défendant des fonds vautours contre des pays ? « Nous nous l'interdisons », répond sans ciller Barthélémy Faye. Chez Cleary Gottlieb, on ne passe pas de l' « autre côté ».
Une règle d'or inscrite dans l'ADN d'un cabinet dont la réputation
s'est bâtie au lendemain de la guerre, lorsque Cleary Gottlieb a épaulé
Jean Monnet dans la reconstruction de l'Europe.
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